Envoûtant crapaud envoûté.


Magie noire ou simple artefact ésotérique, cet étrange petit tableau renferme une histoire : ne laissez pas gambader un crapaud hanté, sans quoi sa liberté sera votre captivité.

Un crapaud séché, un schéma anatomique de l'animal, quelques symboles kabbalistiques, de vieux écrits et voici un élément de décoration qui était la vedette de la page astuce déco du "Sorcière magasine" du mois dernier.


Ce tableau est le premier élément d'un cabinet de curiosité que je suis en train de réaliser pour la décoration de la vitrine d'un bar. Le but étant de créer des objets insolites, ayant eu un vécu et ayant étés collectés au fil d'épopées vécues par un aventurier inter-temporel. Les objets sont accompagnés de récits et autres pièces ramenées de ses aventures.





Chroniques du Chrononavigavit
Note du carnet de voyage d’Ethis Layton  numéro 15
France – XIII° siècle (1216)


Le Chrononavigavit décida un jour de m’amener dans une contrée originale par sa simplicité : il m'emmena tout simplement à quelques kilomètres de chez moi, dans les montagnes Ariégeoises. J'atterri en 1224, en pleines terres cathares. L'objet voulait certainement que je fasse la rencontre de cette étrange femme... 
Quand l'onde se dissipa, je me retrouvais au beau milieu d'une épaisse forêt à quelques mètres d'une petite maison de pierre dont la cheminée laissait s'échapper une fumée violacée à l'odeur âcre. La logique ainsi que la situation peu anodine ne me donnaient guère d'autres choix que de me diriger vers la porte et d'y frapper. J'avoue que c'est une de ces situations où il ne faut pas trop réfléchir : frapper à une porte sans savoir qui va nous ouvrir et surtout sans savoir ce que nous allons fournir comme explications sur les raisons qui nous ont poussé à cela. Apres quelques secondes, le loquet se déplaça de l'autre coté et la porte s'ouvrit, laissant apparaître le visage émacié d'une vielle femme qui me regarda brièvement, grommelant quelque chose. Je n'eus pas le temps de me présenter que je faisais à nouveau face à cette charmante porte en bois. Je me fis la remarque que l'hospitalité et les règles de savoir vivre avaient bien heureusement évoluées en quelques siècles. J'insistai à plusieurs reprises, me faisant fermer la porte au nez successivement. Je ne comprenais pas que malgré tout, la vielle revenait ouvrir à chaque fois, ne semblant pas plus me distinguer que l'air ambiant. Peut-être était-ce là un indice sur la raison de ma présence, à moins que la vieille ne débloque tout simplement. Je me remis à frapper, la porte s'ouvrit, la vieille réapparut marmonnant des insultes et ne me voyant et ne m'entendant pas plus qu'avant, et je profitais de l'ouverture pour me faufiler à l'intérieur. Content de ma duperie, j'éprouvais un sentiment d'autosatisfaction immédiatement dissipé par la vision de l'intérieur de la demeure. Cranes, peaux de bêtes, ossements, récipients de liquides dont je ne voulais surtout pas connaitre l'origine, livres et vieux papiers jonchant les moindres recoins. Dans la cheminée, une grosse marmite laissait échapper la fameuse fumée violette dont l'odeur atroce parfumait cet intérieur si coquet. Je me demandais de plus en plus ce que je devais faire dans cette histoire afin de le faire au plus vite et repartir dans la foulée. La vieille traversa la pièce toujours sans s’apercevoir de ma présence, elle s'agenouilla au milieu de papiers comme si elle cherchait un document particulier, elle marmonnait et grommelait dans sa barbe avec cet accent si caractéristique du XIII° siècle.
J'avais beau regarder autour de moi, je voyais tout et rien qui pouvait ressembler à une relique. Afin de ne pas perdre mon temps, je me dis que le contact avec cette chère dame s'imposait. Lui parler ne servant à rien, peut-être en la touchant aurai-je plus de succès?! Je me saisis d'une branche de fagots à coté de la cheminée et tâtonnais ses cotes doucement, l'expérience m'ayant appris à prendre mes précautions vis à vis d'éventuelles réactions d'individus perturbés. Je n'avais pas tord : elle se retourna en une seconde, lacérant les airs en ma direction des ses ongles longs et sales. J'eu à peine le temps de reculer avant qu'elle n'avance dans la pièce, tournant sur elle même : "Tu es revenu démon! Je te pourfendrai, je lèverai ton voile de ténèbres à tout jamais!"
A ce moment, j'ai pensé que j'étais dans un mauvais téléfilm de sorcière et que le scénariste avait sorti les dialogues les plus stéréotypés de l'histoire. 
Mais l'ayant bel et bien devant mes yeux, je compris que cette pauvre femme avait un problème et que la clé de mon succès se trouvait peut-être dans le fait de l'aider à le résoudre. Dans le cas contraire il se pourrait également que ce soit une sorcière maléfique qui dévore les enfants des villages alentours, jette des sorts sur les habitants et dépèce des vierges au clair de lune...

Elle se jeta à nouveau sur ses papiers avec une hâte soudaine comme pour conjurer le sort ; elle ouvrait des ouvrages, lisait des passages a voix haute, parlait de crapaud, de maudit animal : "Je tisserai ta cage, tu ne m'échapperas pas longtemps, où que tu sois". Elle finit par attraper la page d'un livre qu'elle déchira : "Ah! Je l'ai, tu vas voir sale bête!" Je dois avouer que dans une telle situation, on se sent assez inutile. Je restais dans un coin, pas trop loin de la porte au cas où, attendant de comprendre enfin ce qui se passait. La page qu'elle tenait dans sa main comportait le schéma d'un squelette de grenouille.
Elle saisit immédiatement une plume et un encrier et commença à tracer des symboles autour du dessin, un cercle puis un autre, le tout fourni de symboles incompréhensibles. Elle arracha d'autres pages de ses livres, crachant dessus pour les coller sur le dessin ; elle plaqua le tout sur un morceau de planche traînant au sol, tout en émettant un ricanement nerveux. Je n'osais toujours pas trop m'approcher, serrant très fort le Chrononavigavit afin qu'il me ramène immédiatement chez moi en cas de problème. Je tentais cependant de discerner ses écrits de l'autre bout de le pièce. Son visage semblât tout à coup s'illuminer d'une lueur d'espoir. De ses doigts tordus, elle attrapa une petite boite à coté de la cheminée d'où elle tira une poignée de clous rouillés, elle se saisit d'une pierre et enfonça un premier clou sur le dessin. Au même moment, j'entendis un bruit dans un coin de la pièce comme si quelque chose avait cogné un meuble. La vieille se retourna en direction du bruit : "Ah ah! On dirait que je t'ai retrouvée!"
Elle saisit un autre clou et recommença. Un nouveau bruit retentit à un autre endroit. Encore un clou, encore un bruit, puis un autre et encore un suivant. Il me semblait par moment apercevoir une chose à demie visible traverser la pièce, cherchant une issue. Elle planta un douzième clou. A ce moment précis, la chose à demie visible apparut distinctement, ce qui me remplit d’effroi. La chose perdit immédiatement son charisme horrifique, faisant place à une sorte de petit crapaud. La vieille tenait son dessin fermement dans sa main : "Tu vas revenir ici! Je vais t'attraper, sale bête, je vais te montrer!"
La vielle toujours aveugle se jeta à terre, tâtonnant le sol de la pièce pour attraper l'animal qui ne se faisait pas prier pour aller se cacher à l’opposé. La main de la vieille faillit attraper mon pied gauche, et je dus me déplacer à mon tour, le plus discrètement possible. Nous étions à présent trois dans cette petite pièce à effectuer malgré nous une sorte de partie de "Colin-maillard" improvisée.
Cette pauvre femme, aveuglée et rendue sourde par un sortilège, me faisait pitié et j'entrepris de l'aider. Je me mis à mon tour à essayer d'attraper le crapaud qui sautait dans tout les sens, tout en essayant d'éviter la vieille qui gesticulait de manière totalement anarchique. Au bout d'un moment, je finis par coincer la bestiole sous un pot d'argile, elle se mit à croasser furieusement. "Ah! Je t'entends" cria la vieille, elle se retourna et mit la main sur le pot d'où elle sortit la grenouille. "Je t'ai eu! Tu n'es pas très maline, tu es la seule chose que je puisse entendre et tu te mets à hurler à la mort, tu croyais te cacher dans ce pot? Tu es bien peu maligne." 
La vieille plaça le batracien sur la planche au milieu du petit cercle de clous, elle pris ensuite de la ficelle qu'elle tira d'un vieux sac et elle commença à tisser une sorte de filet kabbalistique au dessus de la grenouille, un attrape-rêve maintenant la pauvre bête. Elle marmonnait des incantations tout en reliant soigneusement les clous avec la ficelle, créant une cage dans laquelle l'animal ne pouvait plus bouger. Elle termina son incantation, le crapaud se figea, devenant dur comme de la pierre.


Elle était là, regardant autour d'elle semblant retrouver la vue. Soulagée mais anxieuse, elle tombât en sanglots avant de tomber à genoux, elle regardait la grenouille ligotée, serrant fort la petite planche dans ses mains. 
 Elle ne m'avait pas encore aperçu, immobile que j'étais, caché dans un coin de la pièce. Mais je me doutais que même en étant aussi discret que possible, je ne resterai pas longtemps invisible à ses yeux.
"Madame?", lançais-je timidement. Elle se retourna en sursaut : "Qui êtes vous, que faites vous là?"

Très gêné, je répondis timidement l'explication la plus plausible qui me venait en tête : "Je passais par là, j'ai entendu des cris et ai voulu vous porter secours. J'ai tenté de vous appeler mais vous ne m'entendiez pas".
La vieille me regardait mais son regard était éteint, elle regarda sa grenouille et repartit en sanglots. "Cela fait des jours que je suis dans le néant, essayant de conjurer le sort. Je ne sais pas si je vous dois cela..."
La vieille semblait émue. Cet animal avait de l'importance pour moi ; à présent il ne peut plus rien en être."
Elle regardait le crapaud l'air triste et rassuré puis elle releva la tète vers moi. "Prenez le, déguerpissez et emportez le loin. Rendez-moi ce service."
Je compris que mon temps en ces terres touchait à sa fin. La relique de cette aventure me sauta directement dans les mains sans que je n'eus grand chose à faire. J'avoue que l'envie de m'attarder ici ne me tentait pas et que je n'allais pas faire des manies pour rallonger ce moment. Je m’apprêtais à tourner les talons, l'étrange tableau dans les mains, quand elle m’arrêta.
"Attendez, prenez ça, vous en aurez sûrement besoin le moment venu". Elle prit une louche du contenu de la marmite fumante et en versa le contenu dans une fiole qu'elle m'offrit. "Le moment venu?", lui demandai-je, interloqué. "Oui, à ce moment là", Dit-elle refermant la porte sur mes pas.

Je me retrouvais devant cette maison, venant de vivre un moment des plus insolites et me retrouvant avec deux objets en main. Je ne savais pas lequel des deux était la raison de ma venue... Je décidais d'en rester là, me disant que le crapaud et l'étrange liquide avaient un lien l'un avec l'autre et, qui sait, peut-être que "le moment venu..."

Je sortis le Chrononavigavit et pressai le bouton de retour, le paysage autour de moi se brouilla, l'onde me ramenant à mon époque initiale.



A suivre...



2 commentaires:

  1. I have no fucking clou what the Text is about (didnt understand french ^^), but its a really great Piece.

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